Workshop International «La mobilité des experts: circulation des hommes, transfert des techniques, diffusion des idées en Europe XVIIIe-XXe siècles»

La mobilité des experts techniques, architectes et ingénieurs en premier lieu, est une pratique ancienne qui prend de l’ampleur avec l’essor des groupes professionnels concernés. Au fil des siècles, cette pratique revêt des formes différentes: migration, émigration, mission, mise à disposition. Elles relèvent de l’état de la profession (structures d’enseignement et d’enrôlement administratif, insertion sur le marché du travail, fonctions revendiquées et fonctions attribuées, sociabilités, reconnaissance publique, etc.) mais aussi, dans une très large mesure, des impératifs politiques et économiques des instances, publiques et privées, militaires et civiles, laïques et religieuses qui recourent à leurs compétences. En générant des appels d’offre, celles – ci catalysent l’intensité des flux migratoires et déterminent leur (re-)distribution géographique. Pratiquée dès le Moyen-âge et généralisée à l’échelle de l’Europe et même au-delà de ses limites à partir de la Renaissance, la mobilité des experts techniques devient un véritable phénomène de masse à l’époque des Lumières et participe activement de la propagation des savoirs, du mixage des cultures techniques et de la cristallisation des compétences spécifiques et complémentaires qui aboutissent, dans le courant du XIXe et au début du XXe siècle, à la mise en place des professions techniques modernes. L’expert technique qui s’expatrie, soit en quête d’une vie meilleure, soit dans le cadre d’une mission clairement définie, demeure ainsi, pendant quelques siècles, un acteur important de la construction de l’Europe des nations, présidant à l’élaboration de sa culture technique originale et de son patrimoine technico-culturel.

Les temporalités et la complexité géopolitique et ethnoculturelle de ce phénomène, que seule une étude comparative serait en mesure de jauger, sont en phase avec un autre processus qui s’exerce à l’échelle du continent, bien qu’à un rythme inégal d’un pays à l’autre, celui de la mise en place des systèmes nationaux de formation des ingénieurs et des architectes.

Ce mouvement institutionnel qui s’enclenche au premier XVIIIe siècle mettra plus d’un siècle et demi à se généraliser avant de devenir le mode Hégémonique de reconnaissance de ces experts. Quant aux problèmes Techniques qui soustendent la mobilité, ils relèvent, d’une part, de la pression extérieure (défense) doublée de politiques expansionnistes, et de l’autre, d’enjeux économiques et de considérations de prestige. Une position spécifique doit être mentionnée quant aux marges européennes (Russie, Espagne, Portugal, Turquie) où les questions vitales de la défense et du commerce sont accentuées par le manque récurrent d’effectifs compétents. La mosaïque de ces problèmes a déterminé la cartographie de la migration européenne des spécialistes. En revanche, loin de se limiter à un simple échange technique, cette mobilité a contribué à l’essor de la civilisation européenne toute entière. Notre colloque, qui prend le relai du symposium Les ingénieurs au service des Princes et des Etat: un regard sur la mobilité professionnelle en Europe, XVIe – Xxe siècle organisé dans le cadre du XXIIIe Congrès international

d’Histoire des Sciences (Budapest, 2009), tout en reprenant pour son compte l’ensemble des questions évoquées, se propose d’aborder la problématique de la mobilité des experts par le biais des trois composantes essentielles qui sous-tendent le processus à travers l’histoire: humaine (la circulation des hommes), matérielle (le transfert des techniques) et intellectuelle (la diffusion des idées). Intimement liées entre elles, soumises elles aussi à des temporalités différentes, souvent complémentaires mais combinées de façon variable selon les situations, les conditions et les époques, ces trois éléments sont structurants de l’identité professionnelle des ingénieurs et des architectes au même titre que leur formation, leur appartenance institutionnelle et leur ancrage local.

De 25.03.2011 a 26.03.2011
09:00 | Université d’Évora, Colégio do Espírito Santo, Sala131