Journées d'étude: Altérités religieuses, frontières territoriales et compétitions patrimoniales en Grèce et dans les Balkans

Traditions réinventées, pratiques rituelles revitalisées, lieux de culte et sites restaurés, tourisme religieux : de nombreux exemples attestent la place significative des processus patrimoniaux et mémoriels dans les dynamiques religieuses contemporaines. Engageant des dimensions institutionnelles mais aussi de multiples acteurs qui font du champ patrimonial et mémoriel un lieu d’invention ou de réinvention, ces processus sont porteurs d’enjeux politiques conséquents. Dans un contexte d’interrogation sur les dimensions interculturelles et multiculturelles des sociétés contemporaines, les notions de patrimoine et de mémoire se voient en effet mobilisées pour accorder ou dénier une légitimité culturelle à telles ou telles communautés religieuses, appartenances confessionnelles, pratiques rituelles, questionnant ainsi leur reconnaissance et leur armation dans l’espace public.

Les débats autour de la place des «identités religieuses» au sein des sociétés européennes contemporaines sont en effet fréquemment polarisés entre reconnaissance de la diversité culturelle et crainte du communautarisme.

Les théories de la sécularisation, qui affirmaient la relégation de la religion dans le domaine privé et dans une sphère culturelle laïcisée, sont contredites par des dynamiques religieuses remettant en question les lignes de partage entre sphères religieuse et politique (public/privé; laïcité/communautarisme; séparation églises/Etat). D’autre part, le présupposé de l’existence de communautés confessionnelles identités et homogènes est battu en brèche par les formes d’hybridation et de pluralisation qui caractérisent les processus religieux contemporains. La « globalisation du religieux » induit une fragmentation et une recomposition des appartenances, au gré de processus de mobilité (migrations, diasporas, etc.), de pratiques de connexion (internet), de formes d’organisation réticulaires et transnationales. En mutation permanente, ces dynamiques religieuses n’en sont pas moins basées sur la revendication mais aussi la réinvention permanente d’héritages.

Ces deux journées d’études proposent d’interroger la manière dont les constructions patrimoniales et mémorielles contribuent à l’invention et la réinvention de «communautés» reposant entre autres sur des critères religieux, en prenant pour terrains de prédilection les sociétés méditerranéennes et balkaniques. Ce choix vise à mettre l’accent sur des contextes de voisinage, partage et/ou de con_it et concurrence patrimoniaux et mémoriels en matière religieuse. Les sociétés considérées constituent historiquement des espaces de rencontre, de coexistence et de conflit entre confessions multiples, à commencer par les trois monothéismes (judaïsme, christianisme, islam). La thématique des frontières et des voisinages religieux y constitue à la fois une approche classique et en renouvellement, comme en attestent de nombreux sites, sanctuaires, rituels partagés entre communautés religieuses. Les mutations récentes des sociétés balkaniques se sont traduites par de nouveaux rapports aux héritages religieux : marquages spatiaux par la construction d’églises, chapelles, croix, mosquées ; visibilisation d’un «islam d’Europe» pluriséculaire; pluralisation et transnationalisation des appartenances confessionnelles ; phénomènes de convergence et de concurrence mémorielle; pratiques de tourisme religieux indiquant une globalisation des mémoires et leur réinscription dans l’espace public. Etant confrontées à des processus politiques d’intégration à l’Union européenne, ces sociétés offrent en somme une configuration singulière de la question des «identités religieuses» dans l’espace européen. Les débats de ces journées viseront ainsi à traiter de la question des communautés religieuses comme des acteurs de ces renouveaux ou revitalisations patrimoniales, mais aussi des politiques et des stratégies de différents types d’acteurs publics comme privés (municipalités, Etats, ONG, UE…).

 

De 27.05.2014 a 28.05.2014
Athènes - École française d'Athènes
Anexos